ASSOCIATION LAÏQUE D’INTÉRÊT GÉNÉRAL
 
 

Au fil des mares…

Au fil des mares…
16 septembre 2018 isabelle.duhau

Durant toute une année, les jeunes ont réalisé une œuvre magistrale de land art à l’institut thérapeutique, éducatif et pédagogique de Pellevoisin

C’est en septembre 2017 qu’un groupe mixte d’adolescents, encadrés de leurs éducateurs, ont entrepris d’aménager les mares existantes derrière leur établissement et laissées sans véritable entretien depuis plusieurs années. Au fil des séances, chaque mercredi après-midi, ils ont d’abord nettoyé le site, conçu le programme des interventions, puis construit les différents décors et, au fur et à mesure de leur réalisation, les ont installés dans les mares.

Le site avait déjà servi de cadre à des ateliers artistiques il y a quelques années ; mais le souvenir s’en était perdu, la nature ayant repris ses droits. Il s’agissait désormais de concevoir une véritable œuvre de land art, composée de plusieurs pièces se répondant, utilisant la nature comme principal matériau d’expression. Pour autant, il ne s’agissait pas de créer une intervention éphémère, mais de réaliser une installation qui durerait dans le temps et que les jeunes continueraient d’entretenir après son achèvement.

Il a d’abord fallu débroussailler tout le site qui compte treize pièces d’eau. Neuf d’entre elles ont été choisies et aménagées : travail de titan que d’affronter la végétation qui s’était développée sans contrainte durant plusieurs saisons !

Kylian en plein débroussaillage

Zoé à l’atelier peinture

Cody préparant les morceaux de béton

 

Visite de ce jardin extraordinaire

Le vieux portique d’entrée au site, désormais rebaptisé le Monde des Mares, a été nettoyé et remis en état.

 

LHeure Tranquille désigne la mare où un pêcheur s’adonne avec décontraction à son activité favorite. Des palettes de récupération assemblées et peintes composent un ponton sur lequel notre homme (un pot de fleur en guise de buste), habillé vieux vêtements, attend qu’un poisson morde à son hameçon. Cette première étape se veut une transition, comment se défaire du dehors, prendre le temps pour apprécier pleinement, l’esprit ouvert, les différents tableaux qui vont se succéder.

A quelques pas, une première sculpture, la Tortue (confectionnée avec une cuve à lait, des gaines de chauffage, des plaques de métal, des pots de fleur…) a été dégagée et restaurée. Elle incarne également cette transition vers le monde de lenteur et de contemplation qui nous attend dans ce jardin bien particulier.

 

La seconde mare, le Trompe l’Œil, propose une série de cadres qui donnent à voir au visiteur des tableaux naturels, des morceaux de nature choisis. Cette œuvre se veut une mise en abime : la nature exposée dans la nature… ou comment déplacer le regard et voir les choses différemment, donner du sens à l’ordinaire, de la valeur à la simplicité qu’on n’a trop souvent désappris à apprécier.

 

La Force de l’Amour prend place dans une mare ombragée et profonde. Les jeunes voulaient au départ réaliser une sculpture en siporex, mais plusieurs essais se révélèrent peu concluants. Les morceaux de béton furent finalement cassés et entassés sur une palette fixée sur pilotis. Un cœur surmonte l’amoncellement symbolisant la victoire toujours possible de l’amour sur la force et la dureté.

 

La Mare au Héron, l’une des plus grandes pièces d’eau, a reçu un décor de bambous – généreusement offerts par un habitant de Pellevoisin – placés de manière à épouser le contour de la rive. Les jeunes avaient retrouvé dans cette mare un héron (composé d’un radiateur de voiture, d’une fourche de vélo, d’un entonnoir et d’un pied de lampe), oublié là depuis plusieurs années et qu’ils ont souhaité restaurer. Selon l’emplacement d’où on regarde, les bambous forment le fond de scène de la renaissance de l’oiseau, symbole de patience (il en a eu !), un écran visuel suscitant la curiosité sur son au-delà ou un ensemble de plantes aquatiques disproportionnées et flamboyantes venues d’un monde parallèle.

Sur le chemin de la mare suivante, une forêt de champignons elfiques (pots de fleurs, soucoupes, vieilles lampes solaires…) a poussé, attestant s’il en était encore besoin, du monde différent dans lequel le visiteur déambule.

Le Pot de Crayons est installé dans une mare assez grande. Les gouttières, récupérées après des travaux de restauration de toiture de l’établissement, forment des crayons multicolores, fichés dans le sol, au bout desquels jaillissent, non pas de simples dessins, mais la vie elle-même, composés de végétaux variés.

 

La Tentaculaire se déploie dans la mare la plus profonde. L’animal, irréel mais jamais menaçant, déploie ses longs bras vers le rivage, depuis son corps chétif ancré au fond de l’eau. Serait-ce à dire que dans ce monde extraordinaire la pieuvre se nourrit des herbes folles qui l’entourent ? et revêt la couleur verte comme meilleur camouflage au milieu de cette nature foisonnante ?

 

Plus inquiétante est la Mare au Dragon. L’animal, lointain cousin du monstre du Loch Ness, nous rappelle qu’un monde sans danger resterait sans saveur. Le petit frisson en découvrant la bestiole au détour de la promenade, laissera son empreinte dans l’inconscient de chacun.

 

Heureusement, le parcours se termine par la Mare aux Papillons. Les animaux (réalisées en bois et plantés sur des piquets de tente souples) oscillent au gré de la brise. Fragiles et éphémères ils viennent clore le cheminement dans cet univers différent inventé par les jeunes. Symboles de la métamorphose, les papillons nous rappellent, en guise de conclusion, qu’il suffit de peu de chose mais surtout de beaucoup d’imagination pour s’envoler et s’échapper du monde quotidien.

Un projet en devenir

La première étape de cette formidable création est achevée. Le paysage change au fil des saisons, la faune et la flore se développent autour des sculptures et des installations pour former un ensemble empreint d’une nouvelle poésie à chaque instant. Les jeunes sont très motivés pour continuer l’aventure, entretenir le lieu et réfléchir à la mise en œuvre, l’année prochaine, de nouvelles créations afin d’aménager les dernières mares. Ils s’installent dans la balancelle qu’ils ont conçu comme un repaire pour leur méditation et sont fiers en regardant se déployer sous leurs yeux les preuves de leur créativité, de leurs capacités manuelles, de leur sensibilité aux richesses de la nature et aux bienfaits de la culture.